Comment concilier harmonieusement vie privée et vie professionnelle ?

Equilibre entre vie professionnelle et privée

De nos jours, il est trop souvent difficile de faire la part des choses entre vie privée et vie professionnelle. Notre travail occupe une place grandissante dans nos vies. Il est parfois difficile de situer la limite, de trouver l’équilibre. « J’ai bossé durant notre lune de miel, mon mari allait parfois seul à la plage, me rapporte une patiente. Il m’en a évidemment voulu et le pire, c’est que je n’ai pas tout de suite compris pourquoi ».

Mais alors, qu’est-ce qui peut expliquer que nous ayons du mal à nous arrêter de travailler? Quelles peuvent être les conséquences à plus ou moins long terme? Et surtout, comment sortir de ce cercle vicieux?…

Pourquoi avons-nous du mal à quitter notre travail ?

Les raisons qui expliquent que nous puissions éprouver de grandes difficultés à quitter physiquement et mentalement notre boulot sont nombreuses. Elles dépendent évidemment de notre profil, de la nature de notre travail mais aussi de notre environnement professionnel.

Les raisons environnementales

Tout d’abord, nous pourrions aborder notre hyper-connectivité. Elle est commune à la quasi totalité d’entre nous. Nous sommes constamment accrochés, comme greffés, à notre smartphone et, du même fait, à notre boîte mail. D’ailleurs, il arrive souvent de ne plus faire la différence entre notre messagerie perso et pro ! Un simple coup d’œil et nous sommes directement en lien avec le message du collègue qui a une question ou celle du patron qui évoque la réunion de mardi prochain.

Cette difficulté à faire une coupure entre la vie privée et la vie professionnelle s’est exacerbée avec le développement du télétravail. Certains le préfèrent, d’autres le redoutent. Malgré les nombreux avantages, beaucoup d’entre nous ne sont pas fait pour travailler de chez soi. Difficile de se fixer des règles ou des limites, et de les appliquer. Nous ne sommes pas observés dans notre démarche de fonctionnement, ni sur la durée de nos temps de pause par exemple. Nous avons cependant un devoir de résultat. Et si la crainte de faire moins de chez soi nous pousse à multiplier nos efforts? Finalement, il arrive que nous en fassions davantage à la maison qu’au bureau, si nous avons réussi en amont à mettre de côté tous les facteurs de distractibilité.

Les raisons psychologiques

Autre raison pouvant expliquer l’empiétement de la vie pro sur la vie perso : la pression professionnelle. Qu’elle soit objectivement vécue ou subjectivement ressentie, qu’elle émane du patron, des collègues ou des clients, la pression nous pousse à faire toujours mieux et toujours plus. C’est un moteur mais dont nous avons du mal à trouver le bouton stop. La pression est d’autant plus ressentie lorsque le modèle qui s’offre à nous, celui de nos collègues, est de nature bosseuse. Pas question de quitter le bureau aux heures prescrites si je suis le seul à le faire. Mes collègues bossent jusqu’à 20h? Pas de soucis, j’appelle la nounou pour garder mes trois enfants ! En effet, pour appartenir socialement aux membres de mon équipe, je dois leur ressembler (processus d’imitation), quitte à faire des heures supplémentaires contre mon gré.

La pression est directement liée à un autre point : celui de faire ses preuves. Nous voulons montrer que nous sommes capables. Nous voulons prouver que nous avons les épaules suffisamment larges pour affronter toutes les tâches de l’entreprise. Peut-être un besoin de valorisation d’estime de soi, à l’image de la pyramide de Maslow (cf. schéma ci dessous) ? Peut-être un défi, voire une mission, que l’on se donne ? Une voix d’épanouissement ? Tant est si bien que nous travaillons sans compter, sans même nous rendre compte que nous sommes en train de nous épuiser.

Pyramide de Maslow - Pyramide des besoins humains
Pyramide de Maslow, liste des besoins de chacun : du plus élémentaire, la base, au plus idéalisé, au sommet

Quoiqu’il en soit, la mauvaise régulation entre vie perso et vie pro peut probablement être le résultat d’une forme de dépendance à la sphère professionnelle, voire d’addiction : le workaholism

Qu’est-ce que le workaholism ?

Le terme « workaholism » est un anglicisme qui pourrait se traduire par « addiction au travail ». Ces bourreaux de travail, comme on les appelle, ne comptent absolument pas le temps qu’ils passent sur leurs dossiers, que ce soit au bureau ou chez eux. Ils ressentent une forme d’accomplissement et de gratitude de la part de leur entourage professionnel. Ils pensent s’épanouir pleinement et durablement en travaillant.

Organisation et planification au travail

Le workaholism peut trouver son origine dans de nombreuses causes, comme :

  • un besoin de reconnaissance : de la part de son patron ou de ses collègues, ce besoin va au-delà du simple remerciement
  • une échappatoire : la présence au bureau permet de fuir une vie privée moins exaltante
  • une estime personnelle : une envie profonde de réussite professionnelle, de renommé, de prestige… et d’argent
  • une peur de la précarité: un investissement intense par crainte de perdre son emploi
  • une nécessité : répondre aux objectifs de performance de l’entreprise

Mais comme dans toute addiction, le workaholic ne se rend pas compte qu’il est en train de sombrer. Les conséquences peuvent être dangereuses.

« Tout est poison et rien n’est sans poison ; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison »

Paracelse

Quelles sont les conséquences de l’empiètement de la vie professionnelle sur la vie personnelle ?

Bien que le travail soit également une source de satisfaction et d’épanouissement, les conséquences négatives d’une trop grande présence physique et mentale au travail arrivent très souvent progressivement. Malheureusement, cela se produit sans que la personne ne s’en rendent compte, et cela touchent tous les statuts sociaux.

  • sur le plan physiologique : des céphalées et des troubles du sommeil, à force de ne penser qu’au travail, des pertes d’appétit, un manque d’énergie du fait du peu de variété dans les activités, des troubles musculosquelettiques dus aux mauvaises postures prolongées au travail (bureautique notamment)
  • sur le plan social : repli sur soi, manque de contact vers les autres, détérioration de la vie de famille, incompréhension de son entourage, éloignement, coupure sociale

Il est donc important de se rendre compte si quelque chose ne va pas sur le plan professionnel. Cela permettra de pouvoir y remédier au plus vite, à l’aide de nombreux outils.

Epuisement professionnel

Quelles sont les clés pour trouver l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ?

  • Si vous avez du mal à estimer si vous travaillez trop ou non, réalisez un diagramme de votre journée type. Vous y indiquerez votre temps de travail, de pause, d’obligations familiales, de moments en famille ou entre amis, de loisirs perso, etc. Puis, réalisez un autre diagramme dans lequel vous indiquez tous les moments où vous pensez et/ou vous parlez travail. Enfin, constatez à quel point ce sujet déborde sur le reste de vos activités. Partagez-le avec vos proches pour voir s’ils sont d’accord avec votre graphique !
  • Imposez-vous des horaires de début et de fin de journée, ainsi que des pauses et un vrai temps pour le déjeuner (car oui, manger un sandwich devant son écran n’est pas un break !) S’il le faut, mettez une alarme sur votre téléphone.
Le travail sans stress
  • Faites du sport, bougez ! Il n’est pas nécessaire d’aller s’inscrire dans un club ou de pratiquer un sport de haut niveau. Le simple fait d’aller se balader ou faire du vélo de temps à autre suffit. Toutes ces activités ne vous empêcheront pas de penser au travail, mais permettront de sécréter de bonnes hormones, telle que l’endorphine, et de respirer à plein poumons !
  • Trouvez-vous des loisirs, des petits plaisirs que vous avez certainement perdus, le travail et les obligations familiales s’accumulant. Prenez le temps de ne penser qu’à vous, rien qu’à vous ! De manière quotidienne si possible, même si ce n’est que quelques minutes.
  • Instaurez un système de gage à celui du couple ou de la bande d’amis qui parlera en premier du travail ou qui terminera un dossier avant d’aller dormir.
  • Concernant le télétravail, il est évidemment préférable d’avoir un endroit dédié aux tâches professionnelles, comme un bureau. Travailler dans sa chambre à deux mètres de son lit, ou dans son salon juste en face de la télévision, ce n’est pas l’idéal. Quand bien même nous n’habitons pas tous un 150m², il est possible d’aménager un petit espace, en dehors si possible de toute source de distractibilité. Cet espace réunirait les conditions nécessaires à toute activité professionnelle (luminosité, assise, etc.). Ainsi, couper avec son travail pour retrouver une vie perso sera d’autant plus facile.
  • Appliquez autant que possible la matrice d’Eisenhower (ci-dessous). En effet, elle permet de planifier son travail en fonction de ce qui est urgent et/ou important, ou non, à réaliser. Cette méthode simple permet de se rendre compte que tout n’a pas le même poids et de libérer quelque peu la pression.
Matrice d'Eisenhower, outil d'analyse et gestion du temps
Matrice d’Eisenhower, ou comment s’organiser dans son travail

Pour conclure…

Notre identité professionnelle fait partie intégrante de notre identité sociale. La malmener consisterait à renier une partie de soi-même. Il est important de se trouver professionnellement, mais il est essentiel de ne pas s’oublier dans cette spirale infernale qu’est le monde du travail.


© Article de Pauline GEORGE | Psychologue du travail